Épisode 2, Quintine se carapate dans les Carpates
Après cette évasion rocambolesque, Quintine ne peut pas rester dans la région. Sa laideur et sa méchanceté sont devenues légendaires. Si elle revenait sur les lieux du crime, il est certain que cette fois-ci, les hommes du prévôt ne la laisseraient pas en vie.
Mais, où aller ? Où commettre de nouveaux méfaits ? Quelle contrée acceptera ses racines malignes ? Elle se souvint alors des longues histoires que lui contait sa mère. On parlait alors de ces lointains cousins d’un pays isolé au cœur des montagnes de Transylvanie dans la petite cité de Bran. Ces forêts sombres avec d’étranges créatures la fascinaient. La première est poilue, puant la bête, baveuse, avec de grands crocs pointus, ce sont les loups-garous, homme le jour et bête affamée les nuits de pleine lune, ils terrorisent les grand-mères et dévorent les enfants imprudents. La seconde ne vit que la nuit. Elle peut se transformer en chauve-souris. Sa couche diurne est un cercueil au fond d’une crypte. Au crépuscule, le vampire se réveille et par en quête de nourriture, du sang frais, de préférence venant d’une jeune vierge. Ce dernier est maître dans son domaine et fait trembler toute la Roumanie.
C’est la terre promise, se dit-elle. Ni une ni deux, elle enfourche son balai et c’est parti. Là-bas, elle pourra danser autour des pentagrammes, corrompre les cœurs purs et s’adonner à la magie noire sans risque du bûcher.
Avant de partir, elle ne put résister à jouer un dernier mauvais tour à ses voisins. Chacune de leurs envies serait immédiatement comblée avec la particularité de l’être à l’excès ! Une petite faim, vous mangerez avec un appétit d’ogre jusqu’à éclater ! Un besoin d’argent, vous en aurez tellement que vos voisins vous dépèceront pour vous détrousser. Tout Ellezelles est ravagé, même le curé est devenu syphilitique au point qu’il en est devenu méconnaissable et fou au point que le démon le recruta. Maintenant, sa vengeance accomplie, elle peut partir pour Bran et la Transylvanie.
Le voyage est long, quand, au bout de trois jours et autant de nuits, les paysages changent. Les champs font place aux forêts sombres et profondes. La plaine se transforme en collines et montagnes, une brume épaisse envahit les vallons. Au fond de l’un d’eux, Quintine aperçoit une lueur blafarde. Enfin, le château se dessine. Il est au goût de la sorcière, menaçant, sombre et avec tout le confort moyenâgeux : salles de torture, allées bordées de têtes sur pique, jardins remplis de paysans empalés. La peur et la terreur règnent en maître. Quel bonheur !
À la tombée de la nuit, elle se présente au pont-levis et demande à être reçue par Vlad, le maître des lieux. À l’inverse de Quintine, Vlad est un vampire élégant, soigné, avec de l’éducation. Les deux personnages sont les deux faces d’une même méchanceté. L’une est brute quand l’autre est d’un raffinement extrême dans ses tortures. Ces deux-là se sont trouvés !
Quintine raconte ses aventures, et Vlad mit à sa disposition un petit domaine à la lisière de la forêt et attenant au cimetière du pays. L’endroit est juste parfait, la digitaline, la mandragore et le millepertuis s’épanouissent dans la petite cour de la maison. En plus du gîte, Vlad fournit le couvert et les domestiques. Il invoqua quelques morts-vivants directement du cimetière.
Enfin, tout est parfait ! Plus de curés, plus d’inquisition, plus de voisins délateurs, ici elle peut vivre en paix loin des bûchers et des délations.
Mais Quintine s’ennuie, sa nature lui dicte de faire le mal et de semer la désolation. Dans son paradis, Quintine déprime. Bientôt, elle ira exposer son spleen auprès de Vlad.
